Recours de l'ALI sur l'autisme: synthèse de Charles Melman

 

  • Imprimer
  • Envoyer
  • Retour à l'accueil

Synthèse de Charles Melman en contribution à la « réplique » de l'ALI dans le recours engagé auprès du Conseil d'État

Auteur : Charles Melman26/02/2013

La HAS a la charge de veiller et de se prononcer sur la santé publique.

Nous entendons montrer que les méthodes suivies et les consultations engagées en matière d’autisme sont inadéquates avec cette pathologie.

1) On attend de la HAS qu’elle applique une méthodologie médicale. Celle-ci repose sur les recherches à l’intérieur de l’organisme des lésions ou des dysfonctionnements responsables de la maladie.

Or dès son origine, Pinel témoigne avec le Traité médico-philosophique que les troubles mentaux relèvent d’une approche où le fonctionnement de l’organisme est subsumé par l’engagement du sujet vis-à-vis du milieu et ce, dans le cadre des conceptions sociales du bien-être et du bonheur.

La HAS défend la primauté de l’organisme dans la détermination – et donc la pathologie – des conduites. Or le biologisme dont elle se réclame à juste titre en somatologie s’est avéré une théorie inefficace en psychiatrie – faute de la mise en évidence de lésions ou de déficits cérébraux spécifiques. L’histoire des rapports de la médecine et de la psychiatrie a toujours été conflictuelle et en 1970 la neuro-psychiatrie a été scindée par le Ministère en neurologie – médicale – et une psychiatrie où, avec la psychanalyse, l’histoire du sujet dans son environnement social doit être prise en compte.

Il convient ainsi que la HAS reconnaisse que le biologisme qu’elle applique est une théorie parmi d’autres, restée invérifiée à ce jour dans le domaine des troubles mentaux et qui ne peut dès lors être acquise comme scientifique.

2) Une preuve en est que la médecine s’est peu ou pas du tout intéressée à l’autisme infantile et que dans les services spécialisés ce sont des psychiatres de formations psychanalytiques qui ont fait avancer le dépistage précoce, la clinique et les tentatives de soin.

Les méthodes modernes d’exploration cérébrale (IRM, camera à positrons) et les progrès de la génétique ont renouvelé l’espoir d’une causalité organique de l’autisme et ce avec l’entier soutien des psychiatres d’inspiration psychanalytique.

Nous demandons que la HAS reconnaisse le manque de réussite probante à ce jour malgré la multiplication de travaux qui à l’examen s’avèrent peu fiables (cf. le travail de Mr Gonon) de ces recherches. Elles n’ont pu malgré la technologie prouver une causalité organique ou génétique. Leur présentation comme scientifique est ainsi hautement présomptueuse.

Retenons encore à ce propos que la projection sur le cerveau humain de résultats acquis en laboratoire sur le rat mériterait à elle seule une critique méthodologique dont on s’étonne qu’elle ne vienne pas à des esprits rigoureux.

3) Le rassemblement remarquable des institutions consultées par la HAS soulève des interrogations. La grande majorité est représentée par les “usagers”, soit dans ce cas des associations de parents. Celles-ci ont vu le jour, facilité par internet, à partir d’un déficit de prise en charge par les pouvoirs publics – et parfois le ressentiment à l’égard de psychiatres psychanalystes qui ont suscité les inquiétudes par des enquêtes sur les conditions du maternage.

On ne voudrait pas penser que la mise à l’index des psychanalystes par la HAS serve à la fois à justifier le manque jusque-là d’un équipement adéquat – qui sera laissé en dernier ressort à la charge des familles – et à valider des méthodes “modernes” porteuses d’espoir.

4) Ces méthodes sont en fait classiques et fondées sur la rééducation de capacités mentales et de fonctions motrices. Il est normal qu’on se réjouisse de voir des autistes acquérir le langage, le calcul, ne plus être parasités par des tics ou des mouvements paradoxaux, voire être capables d’entrer en conversation. Elles sont par ailleurs naturellement prescrites par les psychiatres psychanalystes. Mais si ces résultats sont porteurs d’espoir pour les familles, ils ne peuvent assurer la mise en place d’une subjectivité, d’un engagement stable dans les relations, d’une identité, d’une sexualisation assumée. Pour avoir des capacités – parfois remarquables comme le montre le syndrome d’Asperger – cet organisme reste déshabité. C’est le point qui intéresse en particulier les psychanalystes.

5) Nous disons et démontrons qu’en écartant la psychanalyse des bonnes pratiques la HAS obéit non pas à des règles scientifiques mais à un parti idéologique soutenu auprès des familles par des arguments démagogiques et porteurs de faux espoirs.

Au moment même où elle dépose son rapport, les récents travaux américains sur les méthodes de rééducation conseillées en relativisent les résultats et aboutissent aux conclusions que nous évoquons.

6) Le rapport de la HAS aboutit au licenciement des psychanalystes travaillant en institution puisqu’elles peuvent être accusées de ne pas exercer les bonnes pratiques et être menées en justice.

Enfin il ampute un champ majeur de la recherche, dans un domaine qui semble bien en avoir toujours besoin, par des erreurs de méthode, un parti pris idéologique, un manquement manifeste à la rigueur scientifique.

Ce que nous disons avoir démontré et pour lequel nous demandons réparation.

Charles Melman